Johan Poreau vient d’obtenir la bourse Graeme Clark 2022, destinée à soutenir les étudiants porteurs d’un implant cochléaire dans leurs études supérieures. Le montant de la bourse est de 4 000 € et elle est ouverte aux étudiants implantés avec un système Cochlear Nucleus®. Le jury est composé uniquement de professionnels de l’audition qui prennent en compte les résultats scolaires, extrascolaires et la motivation des candidats.
Johan suit actuellement un double Master : MEEF Sciences Industrielles de l’Ingénieur à Lille et Master Langues et Cultures Créoles à distance aux Antilles. Après avoir obtenu son Bac à Sainte Suzanne à La Réunion, il a rejoint le Nord de la France depuis 4 ans pour suivre ses études loin de sa famille. Son objectif est de passer le CAPES pour revenir à la Réunion comme professeur. Il aimerait pouvoir enseigner auprès des sourds dans les matières scientifiques.
Johan est sourd de naissance et est suivi par l’Association IRSAM depuis toujours. « J’ai reçu mon implant cochléaire à 2 ans et demi, j’ai été opéré à Marseille. Je crois être l’un des premiers réunionnais implantés. J’ai fait la rééducation et je suis toujours suivi par l’équipe du GCS CRCSI. »
« J’ai été scolarisé directement dans une école ordinaire. IRSAM La Ressource m’a énormément aidé : le suivi à l’école, la sensibilisation des professeurs… Grâce à La Ressource qui organisait des sorties et des camps de vacances, j’ai gardé un lien avec la communauté sourde dont je fais partie. Les éducateurs m’ont encouragé et soutenu et je peux maintenant communiquer facilement avec les autres sourds.
Avec l’implant cochléaire, je me retrouve entre deux cultures, un métissage. J’ai accès au monde des entendants et au monde des sourds. J’ai accès à la musique, au maloya, mais je ne veux pas rejeter mon handicap. Pour conserver cette culture sourde, j’ai continué d’apprendre la LSF. C’est le même combat que pour la langue créole que j’étudie à l’Université et que je parle à La Réunion. Ce sont deux langues qui ont besoin de reconnaissance. Il faut continuer le combat pour favoriser ces langues. Le créole et la LSF font partie de mon identité. D’ailleurs, la LSF peut être en créole réunionnais, avec ses signes spécifiques. Le signe maman peut avoir 8 signes différents selon les régions. »
Même si l’implant cochléaire facilite sa vie quotidienne, Johan a parfois des difficultés à suivre le professeur dans le bruit de la classe. « Cela demande des efforts de lire sur les lèvres, cela me provoque des maux de tête par exemple. Pour me soulager lorsqu’il y a trop de bruits ambiants, je suis obligé d’enlever mon appareil en classe. J’ai cet avantage de pouvoir me déconnecter. Heureusement j’ai eu de très bons professeurs et camarades qui m’ont soutenu et intégré dans la classe. Je bénéficie aussi d’aménagements : dispense d’assiduité, tiers-temps en examen, salle séparée, dispense d’oral en anglais. Cela m’a permis d’optimiser mes chances de réussite. Mais parfois je n’étais pas cru car je m’exprime bien et les gens confondent sourd et sourd-muet. Je suis la cible de beaucoup de curiosités, mais mes parents m’ont fait comprendre que je dois accepter mon handicap. »