Présentation
Je n’ai pas un parcours traditionnel d’éducateur spécialisé. Mes formations sont un DUT carrières sociales et le DEFA (Diplôme d’Etat aux Fonctions d’Animation). J’ai d’abord travaillé en tant que responsable secteur jeunes à la Maison pour tous de la Belle de Mai puis j’ai réalisé des remplacements dans des secteurs variés (MECS, Structures pour handicapés…) avant de rejoindre l’Arc-en-Ciel pour, au départ, un remplacement de 15 jours.
Je suis à l’IRSAM depuis 17 ans. J’ai été éducateur à l’Arc-en-Ciel (SEES, puis pôle pro et pôle proximité) jusqu’en 2015. J’ai ensuite rejoint l’équipe du CRIADV au poste de conseiller technique, à mi-temps.
Cela me permettait de changer de contexte, de faire quelque chose de nouveau, avec un cadre de travail différent et avoir davantage d’autonomie dans mes missions. Depuis 2018, je suis à temps plein au CRIADV.
Ton métier, tes missions?
Conseiller technique au CRIADV consiste à accompagner dans le cadre professionnel (et non personnel, même si cela se mélange parfois) des personnes DV dans une démarche d’insertion ou de maintien dans l’emploi.
On répond en ce sens aux attentes de l’Agefiph et du Fiphfp, et travaillons avec différents partenaires, dont Cap emploi, des médecins du travail, le centre de basse vision de la Timone notamment. Nous intervenons sur le champ de la compensation du handicap par rapport au cadre de travail ou au projet professionnel du bénéficiaire.
A partir d’une analyse fonctionnelle, nous déterminons les aides techniques, les aménagements ou recommandations qui vont permettre de réduire les gênes visuelles et limiter la fatigabilité de la personne. Pour les personnes qui souhaitent définir leur projet professionnel, nous allons émettre des recommandations liées à leurs capacités visuelles et préparer en amont si besoin, leur prise de poste ou leur formation.
Une autre mission est celle de la sensibilisation auprès des équipes qu’on rencontre, dans les entreprises, auprès de partenaires… Dans le champ du maintien en emploi, sensibiliser l’entourage professionnel des bénéficiaires est parfois indispensable pour permettre aux collègues de prendre conscience des capacités de la personne et être mieux comprise dans ses fonctions.
Enfin, je suis responsable de la gestion du matériel du CRIADV, c’est-à-dire des outils spécifiques et de compensation à la déficience visuelle : écrans, loupes électroniques, filtres, lampes, etc… C’est tout un ensemble de matériel dont on se sert pour faire des essais avec les bénéficiaires et que l’on met à disposition le temps qu’ils acquièrent leur propre matériel.
Cela permet d’anticiper et de mettre en place de bonnes conditions pour travailler. Nous réalisons en moyenne 50 prêts par an.
Le rôle par rapport aux autres métiers
Nous travaillons beaucoup avec tout un réseau de partenaires et d’autres intervenants dans l’accompagnement du bénéficiaire. Chaque organisme, chaque intervenant a sa spécificité. Nous nouons de nombreuses relations dans tous les domaines, sur 4 départements : les Hautes-Alpes, le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence et les Bouches-du-Rhône.
Les Cap emploi nous sollicitent par exemple régulièrement sur des situations car ils ont besoin de notre expertise. Nous allons alors être en contact avec les médecins du travail, le centre de basse vision de l’hôpital de la Timone, des fournisseurs … et bien sûr les employeurs dans le cadre d’un accompagnement dans l’emploi.
En plus de cet appui technique, il existe aussi toute une part de travail liée à notre identité « centre de ressources ». Nous pouvons ainsi assurer un rôle pour accompagner les bénéficiaires dans des démarches plus personnelles, ou pour guider d’autres personnes qui font appel à nous pour une aide dans leur quotidien, leur vie sociale ou tout simplement un renseignement.
Les relations avec les personnes déficientes visuelles
Dans notre travail, il y a forcément un lien qui se créé avec les personnes qu’on accompagne. Les accompagnements peuvent durer un an. Et si administrativement il existe une date de fin, nous restons toujours en lien d’une manière ou d‘une autre, sur la durée.
La relation de confiance est importante. Déjà pour qu’ils soient rassurés sur notre intervention. Nous ne sommes pas une instance de contrôle, mais bien là pour répondre à leurs besoins. Au-delà des besoins matériels, on construit une relation qui va nous permettre de mieux échanger et les conseiller. Les personnes accompagnées nous font souvent part de choses personnelles.
Ce qui est agréable dans ce travail, c’est que nous intervenons auprès de tous types de structures, sur un secteur géographique étendu, et on rencontre plein de personnes différentes. Cette diversité est très enrichissante.
Des projets, besoins?
Le CRIADV dans ses missions peut apparaître aussi comme un « service de suite » à l’Arc-en-Ciel dans le sens où nous retrouvons souvent des élèves sortants, suivis ensuite par Cap Emploi ou intégrant une formation. Le lien avec le GAISP/ERE qui prépare et accompagne les élèves à l’entrée de leur vie professionnelle est évident, et il semble intéressant de le développer.
C’est quoi l’Association IRSAM pour toi?
L’Association IRSAM, c’est mon employeur ! De plus, c’est un acteur connu et reconnu dans le secteur du médico-social, pour le suivi des jeunes et adultes déficients visuels et les malentendants, et ce depuis 160 ans…
Ta vision du handicap et de la déficience visuelle?
Le handicap, c’est une notion très large, très vaste, et qui évolue au fil du temps. Ca ne veut un peu rien dire en soit car cela peut aller d’un petit doigt tordu jusqu’à des situations beaucoup plus complexes. Pour autant, collectivement, la vision du handicap est encore trop souvent le fauteuil roulant. Alors que de nombreux autres handicaps sont maintenant reconnus. Dont de nombreux handicaps invisibles.
Ce qui est aussi le cas bien entendu pour la déficience visuelle. Soit on voit, soit on ne voit pas. La représentation collective en est encore à cette idée. Alors que beaucoup de personnes déficientes visuelles se trouvent justement entre deux.
Il y a dans le handicap une part de subjectivité. Si les représentations évoluent lentement collectivement, sa reconnaissance ne considère pas toujours bien comment est ressenti et vécu le handicap par la personne au quotidien.
Nos interventions au CRIADV vont dans ce sens pour mieux faire comprendre à l’entourage (employeurs, collègues…) les gênes réelles auxquelles est confrontée la personne. Rester quelques minutes devant un écran peut être extrêmement fatiguant pour une personne, voire douloureux, alors que visuellement, ses gênes oculaires ne se remarquent pas, elles ne sont pas visibles. Il est donc difficile pour l’entourage de comprendre et intégrer cette contrainte de leur collègue malvoyante. La souffrance et la fatigue ne vont pas se voir forcément et c’est le bénéficiaire qui va l’exprimer.
Cela renvoie à la notion d’inclusion et d’intégration. Nous sommes dans une démarche pour aller au-delà des représentations.
Anecdote
J’accompagnais un bénéficiaire qui avait été opéré d’un œil. Il était encore très gêné depuis 6 mois sur cet œil. Lors du bilan visuel, l’ophtalmo a alors réalisé qu’il y avait un fil d’opération sur l’œil … une fois enlevé, ça allait beaucoup mieux !
Cela résume un peu notre travail, on va intervenir sur des choses qui peuvent parfois paraître insignifiantes, et d’autres fois plus conséquentes, mais qui sont en fait essentielles pour soulager la personne de la fatigue… Nous sommes là pour enlever le fil !