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Je suis cheffe du service* Déficience Auditive Nord et Est à IRSAM La Ressource. J’accompagne des enfants scolarisés soit en UEE (Unité d’Enseignement Externalisée) soit en milieu ordinaire avec un accompagnement de type SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile) ou SSEFS (Services de Soutien à l’Education Familiale et à la Scolarisation).
J’ai travaillé toute ma carrière à La Ressource, depuis ma formation puis l’obtention de mon diplôme de CAEJDA en 1984. J’ai validé mon CAPEJS (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement des Jeunes Sourds) en 1994. J’ai été pendant 35 ans enseignante spécialisée pour jeunes sourds. En 2008, je suis devenue relais coordonnatrice et j’ai préparé le CAFERUIS (Certificat d’Aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale), que j’ai réussi en 2015. En 2018, je suis devenue cheffe de service.
Mon objectif était d’enseigner en secondaire car à cette époque on ne prenait en charge que les primaires à La Ressource. En 1986, nous avons accueilli un premier groupe d’élèves, 8 jeunes sourds profonds, au collège privé Saint Michel à Saint Denis, c’était la première création d’une UEE à La Réunion. L’IES La Ressource œuvrait pour l’inclusion des enfants, elle était précurseur sous la direction de la Congrégation Religieuse des Sœurs de Marie Immaculée.
Cette première expérience a tout de suite fonctionné. On a pu s’agrandir. Les jeunes n’étaient plus obligés de partir en métropole pour aller faire un BEP ou passer le Bac général ou professionnel. On a ouvert d’autres UEE au collège Bourbon dans le public puis au collège Juliette Dodu. 15 ans après, nous nous sommes développés dans le Sud pour permettre aux jeunes de pouvoir rester dans leur famille et ne plus être en internat. Nous accueillons des jeunes de toute l’Île, de Cilaos, du Tampon…
La politique d’inclusion a explosé et elle s’est étendue avec des UEE en école primaire. Nous avons aussi eu une UEE au Lycée Lislet Geoffroy. Mais généralement au lycée, il n’y a pas d’UEE, l’accompagnement est personnalisé et allégé.
Le chef de service est un chef d’orchestre. Il doit être sur le terrain, connaître sur le bout des doigts les enfants et les familles. Il a un rôle de pilotage de projet et d’organisation, ainsi qu’un rôle administratif et d’organisation du service. Le métier n’est pas facile, il faut faire comprendre les décisions de la direction aux équipes, qui ont des attentes et parfois des inquiétudes. Je travaille avec une équipe pluridisciplinaire, des professionnels avec des regards très différents mais avec les mêmes valeurs. A l’extérieur, je représente aussi IRSAM La Ressource auprès des partenaires.
Personnellement, j’avais beaucoup de plaisir à enseigner. En devenant cheffe de service, j’ai dû m’adapter. J’ai trouvé la satisfaction d’avoir une équipe autonome, des enfants épanouis, de bonnes relations avec les parents et les partenaires, des projets qui avancent.
J’ai eu des relations très fortes avec certaines familles. Je pense particulièrement à Irham, aujourd’hui décédé, qui m’a beaucoup marqué. Le projet de cet enfant, avec autant de pathologies, nous paraissait impossible à réaliser. Mais il nous a fait oublier la maladie et le handicap par sa joie de vivre. Il a marqué ma carrière car nous avons déployé tous les moyens nécessaires et il a été scolarisé comme tous les enfants.
En fin de carrière, j’ai eu la satisfaction d’accompagner d’autres chefs de service dans leur prise de fonction, notamment Colombine GRONDIN et Benjamin DA SILVA TORRES. Je pars avec beaucoup de satisfaction et je suis très touchée par la reconnaissance de mes pairs, de mon équipe, de la direction, des enfants et des parents. J’ai eu beaucoup de chance de vivre autant de moments forts. Je suis bénie de partir avec autant d’amour, de reconnaissance, d’affection. Cela me touche beaucoup.
L’Association IRSAM me fait penser à une araignée avec une tête pensante à Marseille et toutes ses pattes qui partent partout : à Lyon, à La Réunion… Je trouve que l’Association IRSAM a réussi à rassembler avec des valeurs communes, exprimées différemment selon les besoins et le public que l’on reçoit.
On a parfois des idées préconçues sur les personnes en situation de handicap, on va parler de fragilité alors que parfois ce sont elles qui sont plus fortes que nous. Bien sûr la fragilité existe, le handicap demande de la bagarre. Certains ne lâchent pas leurs rêves et les parents croient en leur enfant. Irham, 5 ans, avec tous ces handicaps, il arrivait tous les jours avec son sourire et son tempérament solaire. Il avait une force plus grande que la nôtre. Je suis admirative de cette force.
*Annie Claude BENARD est à la retraite depuis Janvier 2024.
